Les paris sportifs : un fléau pour le sport ?

Jour plein de promesse en ce 6 avril 2010, avec l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne dans l’Union européenne. Les bookmakers se frottaient les mains, et les sociétés de paris sportifs en ligne fourbissaient leurs armes pour conquérir des parts de marché. Quelques années plus tard, l’euphorie est retombée, et le sport est confronté à un fléau toujours plus puissant : la corruption.

Corruption : des exemples dans tous les sports

Alors qu’à la fin du mois d’octobre se poursuivait le procès des paris suspects dans le handball, compromettant les frères Karabatic, quelques semaines auparavant s’ouvrait une enquête, diligentée par la Tennis Integrity Unit (TIU), sur de possibles matchs truqués lors de l’édition 2016 du tournoi de Wimbledon. Le tennis est particulièrement ciblé par le phénomène, la TIU ayant reçu 96 alertes entre juillet et septembre derniers. Au début de l’année déjà, des révélations accusaient 16 joueurs du TOP 50 mondial d’être impliqués dans des rencontres arrangées.

Dans le sport, les affaires & les exemples de corruption ne manquent pas :

  • Football : affaires de matchs truqués dans tous les championnats. En Italie (affaire incluant notamment la Juventus de Turin), en Allemagne (affaire de l’arbitre Robert Hoyzer), au Portugal (deuxième division), en France (la rencontre de National entre Fréjus-Saint-Raphaël et Colomiers, ou l’iconoclaste affaire VA-OM) ;
  • NBA : cas de l’arbitre Tim Donaghy, qui pariait sur des matchs qu’il…arbitrait lui-même ;
  • Patinage artistique : scandale des notations découvert aux Jeux-Olympiques en 2002 ;
  • Cricket : trois vedettes au Pakistan sont condamnées pour avoir volontairement loupé plusieurs lancers contre l’Angleterre en 2010 ;
  • Badminton : affaire des joueuses chinoises qui perdent sciemment lors des JO de Londres, etc.

Pour Christian Kalb, spécialiste dans le domaine du sport et des jeux d’argent, le football concentre 70 % des fraudes, devant le cricket, et le tennis.

Pourquoi les paris sportifs alimentent la corruption ?

La corruption en lien avec les paris sportifs consiste à acheter une équipe, un joueur, un entraîneur, voire un arbitre, pour s’assurer que sa mise soit gagnante. Elle peut se traduire par deux scénarios : « je te paye pour que tu perdes », ou « je vais perdre exprès ». Celui qui offre de l’argent entre dans le cadre de la corruption active, alors que celui qui l’accepte entre dans le cadre de la corruption passive.

Certes, l’ouverture des sites de paris sportifs n’est pas la source de la corruption dans le sport, loin s’en faut. Mais, les cotes attirent les convoitises de ceux qui disposent de trésor de guerre, accumulé grâce à toutes sortes de trafics : les organisations mafieuses. En Chine, en Russie, en Amérique du Sud, aux Etats-Unis, ou en Europe, ces mafias cherchent à blanchir leur argent. Pour Francesco Barranca travaillant pour l’organisation Federbet justement dans la lutte contre ces dérives, les paris sportifs génèrent chaque année 500 milliards de dollars, dont 10 % serait d’origine criminelle.

Francesco Barranca - Federbet

Francesco Barranca de l’organisation Federbet

Les mafias lorgnent sur des gains colossaux pour un risque encouru minime, contrairement à d’autres activités interlopes (drogue, armes, prostitution). En effet, faire la démonstration d’une triche est une opération complexe. (comment prouver qu’un joueur a fait exprès de rater un geste ou de courir moins vite qu’à l’accoutumée ?) Sans compter que ces organismes sont parfaitement rompus aux techniques de blanchiment d’argent, via les paradis fiscaux.

Quelles sont les solutions ?

Les solutions passent par une prise de conscience du phénomène de la part des autorités publiques, des fédérations sportives, et des sportifs eux-mêmes. Par exemple en France, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) interdit certains types de paris sportifs. Elle parvient à détecter également les paris suspects, intimant l’ordre de retirer le pari en question des sites agréés. Par ailleurs, une convention européenne porte sur le sujet, alors qu’un pays comme la Chine, autrefois conciliant avec ces pratiques, commence à s’en préoccuper. Notez que l’éclatement de nombreuses affaires prouve que le combat est mené.

Un effort de pédagogie doit être enfin prodigué envers les sportifs et leur entourage, qui n’ont pas le droit de parier.

La Ligue Française de Football (LFP) et l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP) ont mis en place une charte « Paris Sportifs ». Une journée de sensibilisation est organisée dans les clubs signataires. Les membres s’engagent à respecter plusieurs règles : ne pas parier, ne pas participer au trucage d’une rencontre,  ne pas accepter de cadeau issu de personnes suspectes, ne pas révéler d’information au public sur la vie interne du club,  ne pas taire une tentative d’approche malintentionnée.

FC Lorient : charte Paris Sportifs

Le FC Lorient est le 14e club signataire de la Charte « Paris Sportifs » – © www.lfp.fr

Malgré ce travail 19 joueurs et éducateurs du monde français du football ont été sanctionnés. En effet ils ont bravé l’interdiction de parier lors de la première partie de saison 2015-2016… Comme pour le dopage, le combat continue !

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